Les mots, comment pouvons-nous aider nos enfants à les acquérir ?

Vous avez pu lire, dans un article récent, comment les enfants accédaient au vocabulaire, il convient maintenant d’étudier quel peut être notre rôle, à nous adultes, parents, grands-parents, pour les aider dans cet apprentissage essentiel pour leur réussite scolaire.

L’objectif poursuivi peut se décliner en trois phases: nous œuvrons afin que le jeune enfant:

  1. Perçoive que les mots vont lui permettre de communiquer avec autrui
  2. Identifie des mots et leur donne progressivement un sens
  3. Mémorise et structure ses acquisitions

I. Comment amener l’enfant à prendre conscience de la communication verbale ?

Une règle fondamentale : parler avec l’enfant.

Durant la gestation, l’enfant est sensibilisé aux voix qui l’entourent et particulièrement à celle de sa mère ; il est important qu’il la retrouve dès sa naissance et qu’il intègre vite l’alternance entre des moments de silence et des moments de parole.

Construire le langage de l’enfant, ce n’est pas parler devant lui, le faire assister à des propos entre adultes, mais parler avec lui et il suffit de s’occuper fréquemment d’un bébé de quelques semaines pour se rendre compte qu’avec les moyens dont il dispose– regard, sourire, gazouillis – il participe très vite à la conversation engagée.

Quand et comment parler avec l’enfant ?

  • Avec un très jeune enfant, jusqu’à 12 ou 18 mois, il faut profiter des moments où l’on prend soin de lui pour verbaliser ce que l’on fait :  » Ta couche est mouillée, je vais la changer ; viens dans mes bras, je vais te donner ton biberon…. « 
  • Avec un enfant un peu plus âgé, on peut commencer à mettre en mots des activités de la vie quotidienne auxquelles il assiste – « J’épluche les carottes, je range la vaisselle » – ou pour lesquelles, dès qu’il acquiert un peu d’autonomie, on sollicite sa participation – « Va me chercher des carottes, aide-moi à vider le lave-vaisselle ».

Il s’agit de mettre en mots ce que fait l’adulte avec ou devant l’enfant ; on parle d’un « langage d’accompagnement » parce que justement il accompagne l’action ce qui, reconnaissons-le, a un aspect artificiel. En effet, un adulte ne dira pas spontanément :  « Je mets mon écharpe » ou « Je coupe ma viande ». Il le fera c’est tout.

Pourquoi le dire alors ? Associer la chaîne parlée à l’action qu’il observe favorise chez le jeune enfant l’entrée dans le langage, l’intégration de structures syntaxiques de base et l’acquisition du vocabulaire utilisé.

II. Comment aider l’enfant à identifier des mots et à leur donner du sens ?

Pour comprendre ce que vit l’enfant : un petit détour par notre vécu d’adulte.

Nous avons presque tous étudié l’anglais au collège puis au lycée mais, hélas, peu d’entre nous maîtrisent vraiment cette langue.

  • Quand nous essayons de regarder un film anglais en version originale sans sous-titres, nous ne comprenons rien. Mais
  • Quand nous écoutons un discours du premier (ou de la première) ministre, nous n’avons pas toujours besoin de la traduction simultanée. Pourquoi ?

Cet homme ou cette femme politique parle, certes, dans une langue classique qui correspond à celle que nous avons apprise mais surtout il ou elle adopte un débit raisonnable qui n’est pas celui de la conversation courante et articule soigneusement ; cette attitude langagière nous permet de retrouver, dans la chaîne parlée, les mots que nous connaissons.

Le jeune enfant qui entend l’adulte parler se trouve dans une situation analogue. Le flux de paroles s’avère trop rapide pour qu’il puisse repérer quoi que ce soit. Heureusement, la vie courante nous amène à répéter souvent les mêmes énoncés et, à la longue, l’enfant prend ses repères.

Comment devez-vous parler pour que votre enfant identifie rapidement les mots que vous prononcez devant lui et construise son premier vocabulaire ?

  • Parlez moins vite
  • Articulez nettement
  • Montrez ce dont vous parlez quand il s’agit d’éléments concrets. Dire :  » Papa t’a acheté de nouvelles chaussures » en désignant les pieds de l’enfant.
  • Jouez des expressions de votre visage quand il s’agit d’abstraction. Dire :  » Je suis très contrariée  » en faisant les gros yeux.

III. Comment amener l’enfant à mémoriser les mots qu’il entend et à structurer ses connaissances ?

Le processus d’acquisition : l’élaboration d’un « dictionnaire mental ».

Un enfant auquel des adultes parlent fréquemment, entend beaucoup de mots. Comment les prend-il en compte ?

  • Il repère ceux qui reviennent le plus souvent
  • Il leur donne une signification qui peut différer de la nôtre mais qui va, petit à petit, s’en rapprocher
  • Parmi ces mots qu’il comprend, il en enregistre certains qu’il va pouvoir utiliser lui-même pour parler, quitte à les déformer au point que seuls ses proches vont le comprendre jusqu’au début de sa troisième année.

Tout ce processus amorce la construction d’un « dictionnaire mental » que nous complèterons toute notre vie et qui nous permet :

  1. D’associer immédiatement une image mentale à un mot que nous entendons
  2. De trouver spontanément le mot dont nous avons besoin pour demander quelque chose, manifester un sentiment, bref exprimer ce que nous voulons.

Quelles attitudes adopter pour que votre enfant enrichisse son dictionnaire mental et l’organise?

Certains mots sont très vite oubliés par l’enfant : ceux qu’il n’a entendus que peu de fois comme ceux qu’il ne peut rattacher à rien. Voici donc quelques suggestions pour que le vocabulaire rencontré prenne racine.

  1. Employez souvent les mêmes mots avec votre bébé
  2. Lorsque vous rencontrez un mot nouveau avec votre enfant, n’hésitez pas à y revenir même de manière un peu artificielle et  donnez-lui corps en :
  • Explicitant sa fonction si le mot désigne un objet. Vous confiez une fourchette pour la première fois à votre bébé. Dites-lui : « C’est une fourchette, ça sert à piquer les aliments » et faites-le en parlant.
  • Le rattachant à une catégorie.  « C’est une fourchette, on la range à côté des cuillères et des couteaux, avec les autres couverts ».
  • S’appuyant sur son contraire. C’est aisé pour les termes concrets ou sensoriels « Ce n’est pas lourd, c’est léger ; ce n’est pas cuit, c’est cru… » Plus délicat pour les mots désignant des qualités, des sentiments… mais on y arrive avec des mimiques : « triste/joyeux ; gentil/méchant »
  • Le rangeant dans une progression.  « froid, tiède, chaud »
  • Le précisant par rapport à un mot connu . « Tu répares mon pyjama ? » demande un garçonnet de trois ans. « Non, je le reprise ou je le raccommode, réparer c’est pour un objet, repriser er raccommoder pour un vêtement ».

Cela peut paraître contraignant mais en fait cette attitude crée de véritables occasions d’échanges ludiques avec de jeunes enfants et suscite chez eux une authentique curiosité pour les mots ; et quand celle-ci s’est installée, c’est gagné !

Certains supports et jeux peuvent renforcer cette action, je vous en parlerai dans un prochain article.

A suivre…