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Apprentissage des langues : la moins difficile à maîtriser

Douze petits mois suffiraient pour communiquer couramment dans une langue entièrement conçue pour la simplicité : l’espéranto. Pas de verbe irrégulier. Aucun article indéfini. Seize règles de grammaire, et c’est tout. Les mots se construisent comme des puzzles, par assemblage de racines et d’affixes. Résultat : la mémoire respire, l’apprentissage s’allège.

Des études menées de la Pologne au Brésil arrivent à la même conclusion : l’espéranto s’apprend trois fois plus vite que n’importe quelle autre langue étrangère. Ce constat ne varie ni avec l’âge, ni selon le parcours scolaire. Un jeune adulte ou un retraité, novice ou polyglotte, progresse à la même vitesse déconcertante.

Les idées reçues sur la difficulté des langues : démêler le vrai du faux

Dans le vaste champ de l’apprentissage des langues, les stéréotypes ont la vie dure. On entend souvent que le chinois ou le russe seraient de véritables Everest, tandis que l’anglais serait une évidence presque naturelle. En réalité, la difficulté d’une langue ne se résume pas à une réputation : elle se construit sur une mosaïque de facteurs bien plus subtils.

Pour Grégoire Andreo, enseignant-chercheur en sociolinguistique à l’université d’Aix-Marseille, « les stéréotypes culturels façonnent nos représentations mentales et influencent le processus d’apprentissage ». Le passé scolaire, la norme linguistique du pays ou encore les freins psychologiques ralentissent la progression. Philippe Blanchet a mis un mot sur une réalité trop souvent passée sous silence : la glottophobie, cette discrimination liée à l’accent, bien présente en France et en Europe. L’accent marque, expose, suscite parfois la moquerie, parfois l’admiration. Regardez Jane Birkin, Jean Castex, Christina Cordula ou Jean-Michel Aphatie : leur accent n’a jamais été un obstacle à la compréhension ni à la réussite.

La langue maternelle, l’environnement et le contexte sociolinguistique pèsent également dans la balance. Comme le disait Alain Rey, « les erreurs d’aujourd’hui sont les normes de demain ». Les frontières du « bon » usage se déplacent au gré de l’histoire. Apprendre une langue, c’est expérimenter, accepter la variation, assumer l’accent, s’autoriser à se tromper. Les représentations forgées par l’école ou les médias sont parfois plus limitantes que les règles elles-mêmes. Changer de regard, sortir des préjugés, c’est déverrouiller bien des freins. L’erreur cesse alors d’être une faute, elle devient une étape du progrès.

Quelle langue est vraiment la plus accessible pour un apprenant francophone ?

Pour un francophone, la notion de « langue la moins difficile à maîtriser » se déploie sur plusieurs axes, et la proximité linguistique arrive en tête. Selon le Conseil de l’Europe et le CECRL, certaines familles offrent un terrain plus favorable.

Voici les langues dont la parenté avec le français facilite réellement le parcours :

  • Italien, espagnol, portugais et roumain partagent avec le français de larges pans de vocabulaire et des structures grammaticales proches.
  • Cette proximité réduit l’effort d’acquisition du lexique, des constructions et de la prononciation.

L’anglais occupe une place à part. Sa grammaire relativement accessible, l’exposition permanente dans la vie quotidienne, médias, travail, culture populaire, et la quantité de supports d’apprentissage en font une langue que beaucoup abordent sans appréhension. Pourtant, passé le niveau débutant, prononciation et expressions idiomatiques deviennent de vrais obstacles à franchir.

À l’opposé, des langues comme le chinois mandarin, le japonais, l’arabe ou le russe relèvent d’un autre défi :

  • nouveaux systèmes d’écriture, grammaire éloignée de nos repères, univers lexical totalement neuf.

Mais le contexte pèse autant que la langue elle-même. Immersion, contacts réguliers avec des locuteurs natifs, pratique constante : ces éléments accélèrent l’acquisition, quelle que soit la langue choisie. Au fond, la facilité ne tient jamais à la seule grammaire : elle dépend du terrain, du sens qu’on donne à l’effort, et des conditions concrètes réunies autour de l’apprentissage.

Homme âgé lit un livre dans un parc urbain calme

Apprendre à tout âge : méthodes efficaces et conseils pour progresser sereinement

La maîtrise d’une nouvelle langue n’est pas réservée à l’enfance. À tout moment, on peut s’y mettre, à condition d’adapter son approche et de garder la motivation vivace. L’expérience le prouve : la régularité, même modeste, l’emporte sur les marathons d’heures ponctuels.

L’immersion reste le catalyseur le plus puissant. Vivre, même brièvement, dans un milieu où la langue s’impose, fait bondir les progrès. Si l’immersion n’est pas envisageable, l’astuce consiste à multiplier les occasions de contact : séries en version originale, podcasts, conversations avec des natifs. Au fil du temps, on apprend à tolérer l’ambiguïté, à apprivoiser les incompréhensions, à se lancer, tout simplement.

Quelques pistes concrètes pour varier les approches et maintenir le plaisir d’apprendre :

  • Changer régulièrement de méthode : applications, lectures, échanges, jeux de rôle. Cette diversité stimule la mémoire et évite la lassitude.
  • Pratiquer le code switching, c’est-à-dire basculer entre la langue maternelle et la langue cible. Ce va-et-vient consolide les automatismes sans forcer.

Au-delà de la grammaire et du vocabulaire, apprendre une langue façonne l’ouverture d’esprit, stimule la créativité et affine la capacité à s’adapter. Selon les moments, cela devient jeu, défi ou outil professionnel. Les bénéfices cognitifs et sociaux du bilinguisme ou du polyglottisme sont aujourd’hui largement reconnus, quelle que soit la trajectoire de vie ou l’âge auquel on se lance.

Une langue nouvelle, c’est une porte dérobée vers d’autres mondes, d’autres façons de penser. Parfois, il suffit d’un mot inconnu pour que tout s’éclaire différemment. Alors, pourquoi se priver de cette expérience ?