Les mots, comment les enfants les apprennent-ils ?

 Les enfants ont-ils vraiment moins de vocabulaire qu’avant ? Qui pourrait l’affirmer objectivement ? Nous ne disposons pas de documents permettant de nous livrer à des études comparatives sur la question. Et d’ailleurs, à quoi serviraient-elles ?

Mieux vaut nous intéresser:

  • dans un premier temps, à la manière dont les enfants accèdent au vocabulaire et,
  • ensuite, au rôle que les adultes qui les entourent et en premier lieu les parents peuvent jouer pour faciliter cet apprentissage

car, disons le tout de suite, la maîtrise d’un vocabulaire étendu constitue un gage sérieux de réussite scolaire.

Comment les enfants accèdent-ils au vocabulaire ?

Trois questions se posent :

  1. A quel rythme un enfant construit-il son vocabulaire ?
  2. Quels sont les premiers mots qu’il mémorise ?
  3. Comment fait-il pour retenir des mots et leur donner du sens ?

1.A quel rythme le jeune enfant construit-il son vocabulaire ?

L’acquisition se fait d’abord très lentement jusqu’au milieu de la deuxième année puis on assiste à ce qu’on appelle une « explosion langagière » : l’enfant se met à produire de nouveaux mots à un rythme qui surprend son entourage. Il en comprend beaucoup plus mais les adultes ont de la peine à s’en rendre compte.

Quelques repères :

  • Vers un an, l’enfant prononce son premier mot fait de la même syllabe répétée : mama, papa, dodo
  • Vers 16 mois, il identifie une soixantaine de mots et en utilise une vingtaine
  • Vers 30 mois, il en comprend plus de 500 et en emploie une centaine
  • Lorsqu’il entre en Cours Préparatoire, son capital lexical atteint les 2500 mots ; ce qui va lui permettre d’aborder l’apprentissage de la lecture.

REMARQUES :

Un adulte dispose d’un corpus qui compte entre 25000 et 40000 mots ; ce sont des mots qu’il comprend mais, quand il parle et, a fortiori quand il écrit, il n’en utilise qu’une petite partie.

Dès ses premiers mois, l’enfant comme l’adulte donne du sens à des mots qu’il ne prononce pas. Il ne faut pas s’inquiéter de ce qu’un enfant de moins de trois ans parle très peu ; en revanche, il faut s’assurer qu’il comprend les mots que l’on emploie devant lui et plus généralement ce qu’on lui dit.

 

2.Quels sont les premiers mots que le jeune enfant mémorise ?

L’enfant ne retient pas tous les mots qu’il entend ; il fait un tri dans cet ordre :

  • D’abord les noms et particulièrement ceux qui désignent des personnes ou des objets ; ils représentent plus de la moitié des mots utilisés par un enfant de 20 mois. L’enfant dit « cana » quand son doudou est un canard ; c’est l’intonation qui nous renseigne sur ce qui se passe : il veut son canard, il le cherche, il est fâché avec lui… C’est la phase du mot phrase.
  • A partir de 18 mois, les verbes et les adjectifs apparaissent. On entendra : « cana messan » pour « mon canard est méchant »
  • Vers 30 mois, les articles, prépositions, conjonctions – on parle de « mots outils »- commencent à jouer un rôle dans les énoncés. Un enfant de trois ans pourra dire « Ze trouve pas mon canard » selon une évolution qui témoigne de la relation forte entre l’enrichissement du vocabulaire et la construction de la syntaxe.

 

3.Comment le jeune enfant fait-il pour mémoriser des mots et leur donner un sens ?

Les adultes que nous sommes oublient souvent deux éléments qui vont mettre l’enfant en difficulté dans son accès au vocabulaire :

  1. Le mot est une réalité de l’écrit
  2. Il n’y a pas une correspondance parfaite entre un objet et le mot qui le représente

1.Le mot est une réalité de l’écrit.

L’enfant est d’abord et pour longtemps confronté exclusivement à des énoncés oraux que son oreille ne lui permet pas de segmenter.

  • J’écris : « Le petit oiseau s’est posé sur le bel arbre en fleurs. »
  • L’enfant entend ! « le pe ti toi zo sé po zé sur le bè lar bren fleur »

C’est la répétition dans des contextes différents de certaines des syllabes de cet énoncé qui lui permettra de repérer quelques mots mais cela demande du temps; on peut le constater quand on entend un jeune enfant dire « un toiseau »ou « le noiseau ».

2.Il n’y a pas une correspondance parfaite entre un objet et le mot qui le représente

  • Un mot peut désigner plusieurs objets, (la feuille de papier ou de l’arbre, le cœur, organe de notre corps ou centre de quelque chose..) sans parler des homonymes (voix, voie ou saut seau) que rien ne distingue à l’oral.
  • A un même objet peuvent correspondre diverses appellations ’une part, les mots ont des synonymes (vélo/bicyclette) et, d’autre part, ils se rangent dans des catégories. Un gilet est un vêtement ; ainsi l’enfant entendra : « avant de sortir, mets ton gilet » ou « mets ton vêtement ».

On peut mesurer alors combien, pour un jeune enfant, associer un mot à un objet suppose de compétences en matière de gestion des informations.

Comment alors l’enfant construit-il la signification d’un mot ?

Par tâtonnement en donnant :

  • tantôt à ses premiers mots un sens plus large qu’ils n’en ont – « chien » va désigner tout animal à quatre pattes d’une certaine taille
  • tantôt un sens plus étroit« chien » va être réservé au chien de la famille comme s’il s’agissait d’un nom propre.

L’emploi fréquent –et pertinent- du mot par les adultes, la rectification bienveillante de ses propres erreurs vont le conduire petit à petit à en cerner la signification. Ce qui nous amène au rôle de l’adulte dans la construction du vocabulaire par l’enfant.

A suivre…