Les punitions

Hier soir, en entrant brusquement dans la chambre de ma fille de 10 ans, je l’ai trouvée en train d’effectuer une punition. Elle devait copier 50 fois « Je ne dois pas cracher sur mes camarades quand ils m’ont énervée ».

Il s’agit d’une situation ordinaire mais plus complexe qu’il n’y paraît car elle soulève plusieurs questions.

  1. Une telle punition est-elle pertinente, acceptable ?
  2. Comment se comporte votre enfant à l’école ?
  3. Comment pouvez-vous réagir avec lui, avec son enseignant ?   

 

1. La punition

Elle s’apparente à ce que les textes fondateurs de l’École républicaine nommaient un « pensum «  et interdisaient dès 1890 avec… l’absence de succès que nous avons tous connu ! Ceci dit, il n’y a pas là de volonté d’humiliation ou d’hostilité à un élève ; c’est une banale sanction scolaire dont on peut certes regretter la persistance mais qui ne justifie pas des cris d’indignation.

Deux remarques.

1.Quelle que soit l’importance de l’écriture manuscrite, on peut donner des exercices plus intelligents aux élèves pour les faire s’exercer.

2.Cinquante lignes, cela fait beaucoup pour un enfant de cet âge.

 

2. Le comportement de votre enfant à l’école

Bien sûr, votre fille n’a pas l’habitude de cracher pas sur ses camarades, vous ne l’avez pas élevée ainsi !

Résistez à l’envie de l’interroger. Si vous lui demandez avec des yeux exorbités : «  Tu as craché sur tes camarades ? » Elle risque de se sentir obligée de nier pour ne pas vous décevoir et ensuite elle se trouvera prisonnière de son mensonge.

Si votre fille pensait être victime d’une injustice, elle vous aurait pris(e) à témoin. Elle ne vous a pas parlé de sa punition, peut-être ne se sent-elle pas très à l’aise, peut-être a-t-elle été provoquée comme cette fillette que je réprimandais pour un fait semblable en passant dans une cour de récréation et qui me rétorqua : « Oui, mais lui, il m’a craché d’abord ! » (sic)

Visiblement votre fille ne souhaitait pas que vous soyez au courant. Pourquoi ne pas respecter sa volonté ? Les enfants ont droit, comme nous, à séparer leur vie professionnelle de leur vie privée d’autant que pour les débordements plus préoccupants les parents sont toujours prévenus.

 

3. Comment réagir ?

Ce qu’il faut éviter :

  • Doubler la punition ou lui adjoindre une sanction dans le cadre familial pour « soutenir l’enseignant ».
  • Désavouer l’enseignant devant votre fille.
  • Faire la punition à sa place sous prétexte qu’il n’en finit pas ou photocopier la première page pour arriver aux cinquante lignes ; ce serait insultant pour l’enseignant et vous perdrez vite le respect de votre enfant qui, malgré sa satisfaction apparente, n’attend pas cela de vous.
  • Griffonner quelques mots hostiles sur le cahier de correspondance et menacer l’enseignant de faire appel au directeur, à l’inspecteur…

 

Ce qu’il faut faire :

  • Rappeler la règle à votre enfant sans dramatiser son comportement: on ne doit pas cracher, ou frapper, ou se montrer insolent…
  • Lui laisser faire sa punition ou exiger qu’il la fasse s’il se montre réticent mais compatir discrètement avec lui en allégeant les contraintes domestiques (couvert à mettre, table à débarrasser… ) pour qu’il jouisse quand même d’ un peu de temps de loisir malgré la copie.

Une réserve.

Je l’ai écrit plus haut, 50 lignes cela fait beaucoup, un peu plus d’un recto-verso de cahier d’écolier ; une page simple suffirait amplement  pour un rappel à l’ordre. Il se peut que l’enseignant ne soit pas encore habitué à ce niveau de classe ou qu’il ait prononcé la sanction dans un moment d’exaspération comme il nous arrive à tous, quand nous sommes très fatigués, d’annoncer à nos enfants agités une privation de télé, de console, de ballon… pour un mois alors qu’à froid nous savons bien qu’un week-end c’est déjà très long quand on n’a que 10 ans.

Si vous voyez que pour votre enfant c’est vraiment difficile, vous pouvez lui suggérer de ne faire que la moitié de la copie en signe de bonne volonté et d’aller négocier une « remise de peine » avec son enseignant. Selon la personnalité de votre enfant, vous pouvez faire un mot courtois à l’enseignant dans ce sens mais il me semble préférable de la ou le laisser se débrouiller avec son maître cela l’aidera à développer son autonomie et des compétences d’argumentation précieuses pour sa réussite scolaire à venir.

Un dernier mot.

  • Si vous sentez que votre enfant a la conviction d’être punie injustement ou
  • si les punitions se multiplient surtout si elle( ou lui) n’a jamais rencontré de problème de discipline,

vous devez rencontrer vite l’enseignant : un enfant ne devient pas insupportable sans raison.