Orthographe(4). Faut-il faire des dictées à la maison?

Faiblesse en orthographe : pas assez de dictées à l’école ! C’est une équation simple, à laquelle on a envie de croire et, par conséquent, de compenser par une pratique plus ou moins intensive de la dictée à la maison.La réalité est un peu plus complexe.

Un élève qui a des difficultés en orthographe aura en effet de mauvais résultat en dictée; ceci dit,  rien ne prouve qu’une confrontation plus fréquente à cet exercice l’aidera à s’améliorer car rappelons-le: la dictée telle qu’elle est pratiquée le plus souvent se limite à un exercice d’évaluation. Pour la transformer en exercice d’apprentissage, il faut la concevoir autrement que souvent nous, adultes, l’avons connue.

Des dictées à la maison? Pourquoi pas, mais pas n’importe comment.

IV. La dictée, comment faire avec son enfant?

La dictée est un exercice qui paraît facile à mettre en oeuvre ;  il suffirait d’avoir un texte et un adulte capable de le lire oralement. Dès qu’on s’y exerce, on se trouve face à quelques problèmes qui peuvent créer d’inutiles tensions avec son enfant.

1.A quel profil d’élève la dictée d’un texte sera-t-elle utile?

Les élèves qui tirent profit de cet exercice sont ceux qui connaissent les règles de grammaire, les conjugaison et le vocabulaire correspondant à leur niveau de classe mais qui ne parviennent pas à utiliser leurs connaissances dans une situation relativement complexe.

Pour ceux qui entrent dans l’apprentissage de la langue écrite (CP et début de CE1) la dictée a pour objectif de faire transformer de l’oral en écrit c’est dire qu’au départ on se soucie plus de la maîtrise de la combinatoire que de l’orthographe même si très vite, dès le début du CP, les élèves sont amenés à écrire de mémoire des mots invariables qui peuvent présenter des difficultés orthographiques: dans (avec le « s » muet), demain (avec la graphie « ain » qu’il n’étudieront qu’en fin d’année)…

A ce stade on privilégie les syllabes, les mots très  courants puis des mots étudiés explicitement. On dicte aussi des phrases mais avec un écolier qui apprend à lire ou qui commence à savoir lire mieux vaut se limiter à des phrases écrites au présent ou au passé composé avec un sujet au singulier et un groupe verbal limité.

Quelques exemples:

  • Le chien ronge un os dans sa niche.
  • Tous les soirs, maman ferme les volets.
  • Hier, on est allé à la piscine.

Si votre enfant est plus âgé (entre 8 et 11 ans) mais rencontre de lourdes difficultés en dictée, s’il n’a pas compris ou du moins retenu les règles élémentaires qui sous-tendent l’orthographe, renoncez à la dictée et préférez faire avec lui des exercices qui l’aideront à intégrer  le vocabulaire, les conjugaisons et les règles grammaticales de base.

2. Comment choisir le texte à dicter?

Gardez-vous d’aller puiser le texte à dicter dans votre bibliothèque familiale; surtout évitez les grands auteurs classiques ! Leur prose qui donne un exemple de toutes les subtilités de notre langue, se révèle beaucoup trop complexe pour nos enfants avant la fin du premier cycle du second degré – la classe de 3ème – et encore !

Si vous tentez l’expérience, il y a fort à craindre que vous perdiez patience devant les difficultés que va rencontrer votre enfant et que vous sortiez de cette désastreuse expérience  convaincu d’avoir engendré un quasi-débile; quant à votre enfant il serait dommage que votre souhait d’améliorer son orthographe le conduise à  considérer Balzac et Flaubert comme de sales bonshommes à ne fréquenter sous aucun prétexte.

Vous pouvez piocher dans la littérature de jeunesse mais là aussi attention à ne pas choisir des extraits trop difficiles d’autant plus que de nombreux albums de qualité sont rédigés dans une langue soutenue ce qui est très bien pour sensibiliser les jeunes lecteurs à la beauté de la langue mais se prête mal à des exercices d’orthographe.

ATTENTION ! Il est plus facile de lire et de comprendre un texte que de l’écrire correctement sous dictée.

Donc: ne cherchez pas des textes dans des livres qui correspondent au niveau de lecture de votre enfant mais reprenez des albums ou magazines qui lui plaisaient voici deux ans, cela sera mieux adapté à ses capacités.

Quelle longueur? Habituellement on considère que:

  • une dictée de CE2 compte une quarantaine de mots,
  • une de CM2 une soixantaine

On peut utiliser des textes plus longs sous réserve qu’ils ne comportent que très peu de difficultés mais vous ne serez pas dans le cadre scolaire, votre enfant sera fatigué si c’est le soir… mieux vaudrait prévoir un peu plus court.

A titre indicatif, je vous propose deux textes que je prends – en les modifiant un peu – dans des livres et magazines pour enfants.   pour le premier, un numéro de pour le second.

Niveau CE2. Le crocodile est un chasseur rusé. le voici en train de guetter une antilope qui vient boire à la rivière. D’un bond énorme, il surgit de l’eau, tire sa proie par la patte, l’entraîne sous l’eau et la noie.

 

 

Qui a peur des crocodiles? Découverte Benjamin

 

 

Niveau CM1/CM2.Il s’appelait Gustave Eiffel. Il est mort il y a plus de cent ans. Gustave est devenu célèbre quand il a fait construire la grande tour qui porte son nom, à Paris. Mais il avait aussi construit d’autres monuments et des ponts. Tous ses ouvrages avaient un point commun: ils étaient en fer! A l’époque, c’était très nouveau.

Youpi n°184

Reste la solution de prendre les textes dans un cahier ou un ouvrage prévus pour cela. On en trouve dans le commerce; j’en parlerai dans un dernier chapitre.

3. Quelle attitude adopter avant, pendant et après la dictée?

D’abord quelques remarques.

L’objectif n’est pas que votre enfant fasse une « dictée sans faute » chez vous mais qu’il parvienne petit à petit à réduire le nombre d’erreurs dans les dictées effectuées en classe et plus généralement à orthographier d’une manière de plus en plus correcte  ce qu’il écrit.

Il s’agit donc pour vous de l’aider à construire des méthodes pour analyser rapidement un texte qu’il ne voit pas mais qu’il va devoir écrire. Cela va vous prendre du temps, à vous comme à lui, il est donc vivement souhaitable de commencer avec des textes sans difficultés, plus simples que ceux qui le mettent en échec à l’école.

Dans les premières semaines, il vous faudra le conduire de manière très directive dans cette analyse; vous pourrez ensuite lui dire seulement : »Rappelle-toi les questions que tu dois te poser ». Si vous faites ce travail une fois par semaine, cette façon d’interroger le texte  deviendra, en quelques mois, un réflexe chez lui, du moins en situation de dictée car en production écrite cela restera sans doute plus délicat.

Chronologie d’une séance

Pour illustrer ce qui suit je vais m’appuyer sur le texte sur Gustave Eiffel qui, bien qu’un peu long, ne présente pas beaucoup de difficultés pour un élève de CM1 et a fortiori de CM2.

1.Avant la dictée

Assurez-vous, autant que possible, que vous ne serez pas dérangés et installez-vous face à votre enfant.

Lisez le texte un peu moins vite que vous ne le feriez naturellement en surveillant votre articulation et en marquant les groupes de souffle.

Il s’appelait Gustave Eiffel/. Il est mort /il y a plus de cent ans/. Gustave est devenu célèbre /quand il a fait construire la grande tour/ qui porte son nom,/ à Paris./ Mais il avait aussi construit /d’autres monuments et des ponts/. Tous ses ouvrages /avaient un point commun/: ils étaient en fer!/ A l’époque, /c’était très nouveau./

Demandez  à votre enfant de qui parle ce texte. S’il n’a pas retenu le nom d’Eiffel, donnez le lui et parlez-lui de la tour Eiffel, les enfants ne font pas toujours le lien. Ecrivez le nom sur son cahier mais pas le prénom qui s’écrit phonétiquement.

Relisez lui les deux premières phrases. « Que nous dit le texte sur Eiffel ? » « Qu’il est mort il y a plus de cent ans, donc on va avoir des verbes au passé ». Faites-lui rappeler les temps du passé qu’il connaît. S’il est en panne dites-lui qu’il y a ici des verbes au passé-composé, d’autres à l’imparfait et certains au présent – ne pas évoquer le plus-que-parfait avait construit.

Relisez lui le texte une fois.

2.Pendant la dictée.

Lisez la première phrase. arrêtez-vous. Faites chercher le sujet et le verbe; demandez à votre enfant la terminaison du verbe. Dictez la phrase par groupe de souffle.

Suivez la même démarche pour les phrases suivantes.

Dès qu’un groupe nominal a plus de deux mots (lorsque le sujet ou complément comprend plusieurs noms ou un nom et un adjectif) amenez votre enfant à le percevoir et à en déduire l’accord, surtout lorsque celui-ci ne s’entend pas. Ici la grande tour ne posera pas problème; en revanche, sans alerte, votre enfant risque de passer à côté des trois « s » du pluriel à d’autres monuments et des ponts et à tous ses ouvrages.

N’intervenez pas lorsque votre enfant écrit même si vous voyez une erreur. Il est important qu’il distingue vraiment le temps de réflexion du temps d’écriture.

Relisez le texte en intégralité et demandez-lui de veiller à ne pas oublier de mot. Vous pouvez lui laisser une minute pour relire tout seul car il doit en avoir l’habitude à l’école.

3.Après la dictée

Corrigez le texte avec votre enfant soulignez les erreurs commises :

  • pour les erreurs grammaticales: tentez de les lui faire expliquer et s’il n’y parvient pas rappelez-lui la règle qu’il n’a pas appliquée
  • pour les erreurs lexicales: écrivez le mot correctement et, quand vous pouvez, donnez-lui un moyen pour retenir la bonne orthographe.
    • mort écrit sans le « t » final: morte au féminin, idem pour construit même si c’est une participe passé; ce sera plus difficile pour monument, pont et point car l’adjectif monumental et le verbe pointer ne figurent sans doute pas dans son vocabulaire; quant à pont, je n’ai pas d’idée!
    • quand écrit quant: une erreur classique car  la liaison fait entendre un « t »; on peut seulement dire que lorsque le mot marque le temps il faut un « d » à la fin.

Quelques recommandations pour terminer

  • Ne donnez pas dans l’exhaustivité. Acceptez de corriger certaines erreurs sans vous y attarder car l’attention de votre enfant connaît des limites.
  • Si vous comptez les erreurs, comptez aussi les mots écrits correctement.
  • Essayez de garder votre calme. Il ne s’agit pas de féliciter votre enfant s’il s’est beaucoup trompé mais de l’encourager.

Si vous restez bienveillant, votre enfant  va prendre goût à ce moment où vous lui consacrez du temps et vous le verrez progresser petit à petit mais il faudra que vous et lui fassiez preuve de patience et d’opiniâtreté.

Bon courage!

Une dernière option: acheter dans un supermarché ou une librairie un cahier conçu pour l’apprentissage de l’orthographe.

A suivre…