Une année sans devoirs du soir, pourquoi pas?

Votre fils  est rentré de l’école ravi et vous a déclaré d’un air triomphant : « Cet année je n’aurai pas de devoirs le soir ; ce maître, il n’en donne pas et il a  dit que c’était interdit » Et comme votre enfant entre en CM1 et que vous voyez se profiler dans deux ans l’entrée au collège, vous commencez à vous inquiéter…

Vous devriez vous réjouir comme votre enfant ! Finis les mercredis après-midi où on se prend pas tête pour comprendre ce qu’attend l’enseignant en matière de préparation de dictée, les disputes juste avant le dîner parce que la leçon d’histoire n’est pas sue ou les départs en week-end lestés d’un  lourd cartable !

Oui mais, pensez-vous, notre fils va-t-il vraiment travailler cette année ? Sera-t-il prêt pour le CM2 et surtout pour la 6ème ? Vous avez tout à fait le droit de vous poser ces questions et pour y répondre je vous propose de :

  • réfléchir un moment à  ces fameux devoirs du soir
  • définir l’attitude à adopter si vous êtes décontenancé par un enseignant qui n’en donne pas

I.Les devoirs du soir, que peut-on en penser ?

1. L’hypocrisie des textes réglementaires

La législation en vigueur interdit le travail écrit mais autorise les leçons. Cela peut se comprendre pour ce qui relève d’un apprentissage par cœur : les tables de multiplication, une poésie mais pour les autres formes d’apprentissage qui supposent compréhension et mémorisation, on ne peut séparer ainsi leçon et travail écrit. Que signifie pour un enfant de huit ans apprendre une règle de grammaire sans l’appliquer sur un exercice, apprendre l’orthographe de quelques mots sans les copier, sans les écrire de mémoire ?

2.La réalité des pratiques

Il existe quelques professeurs des écoles qui respectent les textes réglementaires à la lettre ou qui, considérant à juste titre que 6 heures de classe quotidiennes suffisent à un enfant de moins de 12 ans, dispensent leurs élèves de tout travail scolaire hors de la classe. Ils demeurent très minoritaires, et le risque de passer injustement pour des « fumistes » leur confère vite des allures de militants abolitionnistes.

La plupart des enseignants du primaire donnent du travail à effectuer le soir ou les jours de congé et la différence entre les uns et les autres réside dans le type et surtout la quantité  d’activités imposées. Traditionnellement, on commence en CP avec diverses activités de lecture (constitution de syllabes, lecture de mots, de phrases, relecture du texte lu en classe…). Les tâches se diversifient au fur à mesure que l’élève avance dans sa scolarité (opérations, exercice de grammaire, leçons, préparation de lecture, de dictées…) au risque de se multiplier et d’engendrer fatigue pour les écoliers et tensions dans les familles.

3.L’utilité discutable des devoirs du soir

Sur les apprentissages, elle reste limitée tant que les élèves n’ont pas acquis l’autonomie intellectuelle qui leur permet d’apprendre seuls, autonomie qui se construit plutôt dans les années de collège que dans celles de l’école élémentaire. Dans les domaines qui réclament répétition et entraînement (calcul mental, passage du déchiffrage à la lecture courante…), poursuivre à la maison l’effort de mémorisation et d’automatisation conduit à l’école n’est pas absurde, à condition toutefois que cela ne tourne pas à l’obsession.

La véritable utilité des devoirs du soir est à chercher ailleurs, dans la relation qui s’établit entre les parents, l’enseignant et l’enfant et dans le rapport que l’élève va progressivement bâtir avec l’étude.

Les devoirs du soir rassurent les parents, parfois de manière fallacieuse, sur le sérieux  de ce qui se passe en classe et sur la qualité de l’enseignant auquel ils confient leur enfant ;  ils permettent à ceux qui veulent – ou peuvent  –  le faire de suivre davantage la scolarité de leur enfant. En ce sens, accuser les devoirs du soir de creuser les inégalités sociales n’a rien d’aberrant puisque tous les  écoliers ne bénéficient pas chez eux du même soutien même si au sein d’associations de quartier des bénévoles offrent, aux enfants moins soutenus par leurs parents, une aide aux devoirs tout à fait précieuse.

Des enseignants, mal à l’aise avec les devoirs du soir, prétendent souvent en donner pour préparer leurs élèves à en avoir au collège. C’est un argument recevable en CM2 mais guère avant et d’ailleurs en  6ème, on pourrait souhaiter que les professeurs s’entendent pour que cette initiation se déroule de manière très progressive.

Paraît plus intéressante l’idée selon laquelle les devoirs du soir amènent les élèves à comprendre que le travail intellectuel ne doit pas se cantonner à la classe. C’est une exigence incontournable des études secondaires et, a fortiori, supérieures mais à l’école élémentaire, on a encore un peu de temps. Du reste, on peut susciter l’appétit intellectuel d’un enfant de 8 ou 10 ans avec d’autres supports que des exercices scolaires.

II.Comment réagir face à un enseignant qui ne donne aucun travail le soir ?

J’ai envie de vous dire : profiter de l’année qui vient ! Mais si vous êtes inquiet, voici quelques pistes pour retrouver votre sérénité de parent consciencieux.

1.La réunion de début d’année

Ne la manquez surtout pas et interrogez l’enseignant – sans critiquer sa position– sur sa manière de travailler. Il a sûrement déjà été interpellé sur son refus de donner des devoirs du soir et a dû mettre en place une autre stratégie pour informer les parents des progressions qu’il suit et pour amener ses élèves à un travail personnel. Peut-être pratique-t-il une pédagogie contractuelle, plus individualisée ? Peut-être a-t-il balisé une demi-heure dans la journée pour que les élèves effectuent en classe les habituels devoirs du soir ?

Si ce n’est pas le cas, demandez à voir régulièrement les cahiers de votre enfant mais sans doute a-t-il prévu de les faire signer toutes les semaines.

2.Les premières semaines de l’année

Soyez attentif à ce que vous dit votre enfant de ses journées de classe, de l’ambiance, de ce qu’il apprend, des  exercices que le maître donne… Vous vous rendrez probablement très vite compte qu’il travaille autant que les années passées.

ATTENTION ! Ne le mettez pas à la question ! S’il a le sentiment d’avoir à vous faire un rapport quotidien de sa vie scolaire, votre enfant risque fort de se fermer ou de sentir que vous ne faites pas confiance à son maître ce qui peut l’amener à le critiquer voire à rejeter son autorité.

3.Votre contribution à la réussite scolaire de votre enfant

Utilisez son temps libéré le soir ou les jours de congé pour partager des activités enrichissantes avec lui. Veillez à ce qu’il lise des romans, des ouvrages documentaires, des magazines – les Editions Milan ou Bayard en proposent adaptés à tous les âges. Parlez-en avec lui. Regardez avec lui diverses émissions télévisées et pas forcément sur Arte. Jouez avec lui. Il s’agit d’éveiller sa curiosité sur le monde, sur le passé, sur la culture, il s’agit aussi de le faire réfléchir, comparer, discuter. Vous lui rendrez bien plus service qu’en surveillant des devoirs du soir.

4.Et si vous tenez absolument à le faire travailler…

Appuyez- vous sur ses cahiers pour vérifier qu’il a compris d’éventuelles erreurs : des mots mal orthographiés, des problèmes non résolus, des exercices mal réussis. Si vous les lui redonnez à effectuer, il risque de mal le supporter. Vous pouvez bien sûr concevoir d’autres exercices avec des difficultés analogues mais cela suppose un recul pédagogique qui vous fait peut-être défaut et c’est légitime puisque ce n’est pas votre métier.

Dans les disciplines où votre enfant dispose d’un manuel vous pouvez vous en inspirer et revoir avec lui les chapitres étudiés.

Les éditeurs ont bien perçu que l’inquiétude des parents pouvait constituer un marché supplémentaire. Aussi  trouve-t-on dans le commerce

 

des ouvrages à mi-chemin entre le manuel et le cahier, supposés accompagner l’élève ou plutôt ses parents durant toute l’année scolaire. Plus austères que les traditionnels cahiers de vacances, d’un prix qui dépasse à peine les 10 euros, ces ouvrages sont bien conçus, accompagnés d’un dossier pour les parents qui comprend le texte des programmes, des corrections, quelques suggestions.

        Deux exemples de ces ouvrages.

Ceci dit, c’est un achat que je me garderai de conseiller pour les deux raisons suivantes :

  1. La progression suivie ne correspond pas forcément à celle adoptée par l’enseignant ce qui peut en rendre l’usage très compliqué
  2. Si vous prenez votre rôle vraiment au sérieux, en vous appuyant sur ces ouvrages, vous risquez d’en demander trop à votre enfant et de gâcher ses soirées comme les vôtres

Si vous voulez aider  votre enfant de manière efficace, établissez des relations de confiance avec son maître et demandez- lui, quand il connaîtra votre enfant,  s’il y a des domaines où il aurait besoin d’un petit coup de pouce et comment alors vous pouvez le lui apporter.Mais ne vous trompez pas d’objectif et soyez convaincu d’une chose: 

Refaire l’école après l’école ne sert à rien sinon à épuiser l’élève et ses parents.